Prune

18 ans

Elle commence d’emblée par me dire : « Je viens parce que j’ai faim » « on s’entend pas avec la nourriture » « Mon corps est faible, a la dalle, a envie mais la tête ne veut pas ». Elle m’explique qu’elle mange trois yaourts par jour depuis 3 semaines. Elle est passée de la taille 42 à la taille 38 en trois ans. Elle a des difficultés à maigrir étant sous pilule.

A 14 ans Prune a connu les squats.
Elle est partie plusieurs fois en Hollande acheter de la drogue pour elle et pour la revendre en France.
Ces dernières années elle se faisait des fringales en prenant 1kg de lasagnes, 1kg de glace et des gâteaux dans un même repas. Sa satisfaction était quand elle vomissait, ensuite elle pouvait boire de l’alcool et fumer.

Aujourd’hui ses crises se passent en générale de 20h à 23h. Un véritable préparatif se met en place pour ce « festin » boulimique :
Elle prépare son bureau avec tous les aliments, elle met un film pour le regarder sur son ordinateur.
« Je m’affame et quand j’ai trop faim je bouffe puis je me fais vomir » ; « je coupe ma faim, mon corps ferme sa gueule ».

Ce qui la fait souffrir :

  • « Depuis 5 ans je douille à cause de la drogue, c’est de la merde, j’aurais aimé ne jamais y toucher, je ne peux arrêter de fumer de l’herbe ni le LSD ».
  • « J’ai un corps de droguée, des crampes partout, un corps malade. Je n’ai pas envie de mourir mais je pète un câble à la vie, mon père ne comprendra jamais que j’ai besoin de substances de ouf car j’ai trop souffert. »
  • « Je ne sais pas ce que c’est que d’être heureuse, je déteste la lumière, le soleil, le chant des oiseaux, voir le bonheur de mes amis m’oppresse. »
  • « J’ai perdu trop de gens que j’aimais. Des amis de la rue disparus, d’autres sont morts. »
  • « Trop de gens qui me manquent, manque d’amour depuis des années. »
  • « J’ai été violée par Pascal, 19 ans, 120 kgs alors que j’étais bourrée quand j’avais 14 ans. »
  • « Tous les jours il faut aller au lycée, je veux arrêter depuis un an et bosser dans la vie active. Je veux plus perdre mon temps, le cul sur une chaise à écouter une marionnette. Aucun intérêt à faire semblant de travailler. Je ne veux pas de cette réalité, je m’en fous du Bac »

Se faire souffrir :

  • « Car la douleur c’est ce qui me fait vivre »,
  • « vivre sonne plus dure que tout le reste, vivre sans souffrir c’est mourir, je ne veux pas mourir, souffrir rythme tout depuis 10 ans, je cohabite avec cette souffrance.
  • « Coucher avec n’importe qui pour avoir le sentiment d’être une pute. »
  • « Me forcer à me regarder dans le miroir, j’ai l’impression de voir quelqu’un que je ne reconnais pas, je ne sais pas qui je suis, ce que je suis. »
  • « Voir mon sourire car il n’est pas naturel chez moi. Il faut faire semblant d’être heureuse et de me taire. »
  • « Dépenser mon fric, je le regrette ensuite, dépenser tout l’argent de mes babysittings dans tout et dans rien. »

Ses sensations, ses constats:

  • « Je me considère comme une feuille sur un cours d’eau.
  • « Je me sens comme dans un trou, on m’a tout enlevé, il ne me reste plus rien. »
  • « Cela fait 4 ans que j’essaye, rien ne va, ma tête va exploser. »
  • « Je me fais des alibis de bonheur pour montrer que je peux y arriver. C’est trop, je ne comprends pas pourquoi j’ai mal, pourquoi je souffre autant, je douille, je ne trouve pas les mots pour exprimer ce que je ressens, j’essaye de trouver. »
  • « Je perds tous ceux que j’aime, tout se barre en couille quand j’entreprends quelque chose. »
  • « Dans l’idéal, j’aimerais rester chez moi et me terrer. »
  • « Je suis incapable de faire dans la simplicité, de dire les choses simplement, cela ne sert à rien que je m’accroche, suis une merde. »
  • « Ma mère est un poison, elle me ronge, c’est le moustique qui vient se poser sur moi à la plage sur un corps bien huilé. »
  • « Tous ceux qui vont me lâcher un jour ou l’autre ou qui m’ont lâchée, tout l’amour que j’ai voulu donner, personne ne m’écoute, suis toujours là pour écouter les autres. Cette poisse qui me colle au cul depuis 18 ans, tous ceux qui me détestent. »
    « Je fais peur à tout le monde de ma classe, on ne me parle pas, je n’ai pas de pote depuis 18 ans, mes trois meilleures amies de l’année dernière m’insultent et se foutent de ma gueule, je sais que cela vient de moi. »
  • « Je me sens obligée de coucher avec tous les mecs pour montrer que je n’ai pas de problème. »
  • « Sous alcool et drogue, je fais trop de conneries. Les mecs veulent bien coucher avec moi mais pas sortir avec moi…suis-je une pute ? »
  • « Ma mère pourrait crever devant moi, j’en aurais rien à foutre, elle m’a fait souffrir en faisant de la merde, elle est égoïste en abandonnant ses enfants. »
  • « Ma mère ne vit que dans l’apparence, dans le faire valoir, elle s’en fout de ce que je suis et de ce que je peux devenir, elle a voulu me garder chez elle au départ pour payer moins d’impôt. »
  • « Ma vie est en plein excès. »
icône site addict thérapie

Déroulement des séances

Au fur et à mesure, au bout de trois mois, Prune dit qu’elle arrive de nouveau à voir claire dans sa tête, à se raisonner. Elle fume moins de joints et dit avoir arrêté toute sorte de drogue en parallèle. Elle n’a plus d’argent et elle ne prend plus contact avec ses dealers
« J’ai l’impression d’avoir des courants d’air dans mon cerveau, il respire à nouveau, impression d’être une autre personne, j’arrive à réfléchir »

Dernière séance après en avoir décommandé plusieurs :
Le sport lui ouvre l’appétit, elle y prend plus de plaisir, elle vomit moins.
Elle a décidé finalement de passer un Bac Général.
Elle termine la séance en disant « Tout est presque trop bien, cela me fait peur » et puis elle disparait de mon cabinet me laissant un sentiment de frustration et d’abandon.

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