Les troubles du comportement alimentaire sont des réponses désespérées à un sentiment d’impuissance. C’est le chemin de la destructivité au lieu du chemin de la créativité.
L’anorexie met l’accent sur la maîtrise, le contrôle et le caractère obsessionnel ; la boulimie sur la dépression et l’impulsivité.
"Je vais chercher un comportement pour m’apaiser et je ne sais pas m’arrêter."
Anorexie/Boulimie
Les anorexiques comme les boulimiques sont des obsédés de la nourriture. On ne peut pas forcément les reconnaître à leur comportement, car souvent ils se cachent, mais plutôt dans leur discours et à leur personnalité.
Comme l’anorexique, le boulimique a aussi peur de grossir, mais ne désire pas être toujours plus maigre. Les boulimiques vomisseurs(es) peuvent être plus maigres que les anorexiques.
Les signes qui peuvent attirer l’attention de l’entourage familiale et médical chez l’anorexique et le boulimique vomisseur
- L’amaigrissement constant, souvent rapidement supérieur à 10 % du poids idéal théorique, est directement lié à la restriction alimentaire. II peut atteindre jusqu’à 30 % à 40 % du poids initial, menaçant parfois le pronostic vital. Plus cette perte de poids est rapide, moins elle est bien tolérée sur le plan somatique, avec un risque accru notamment de bradycardies, hypotensions et hypothermies.
- Tri des aliments, refus de la nourriture, portions fractionnées indéfiniment, séquence des plats inappropriée, emploi de condiments en excès, dissimulation de nourriture, refus de participer aux repas familiaux, de consommer de la nourriture qu’ils n’auraient pas préparée eux-mêmes.
- Excès sur des aliments particuliers, achats compulsifs d’aliments (ex : une catégorie de pommes pour l’anorexique, des paquets de bonbons d’une marque particulière pour les boulimiques)
- Conduites de restriction, sous-tendues par la peur panique de prendre du poids et le désir de maigrir, lutte contre (pour) la sensation de faim
- Intérêt excessif développé autour de la nourriture, préoccupations croissantes pour l’alimentation de ses proches : préparation de repas auxquels il ne participe pas, nouvel intérêt pour la diététique...
- L’arrêt des règles pour les filles : l’aménorrhée est rarement perçue par la jeune fille comme un problème. Ce n’est que tardivement, et souvent chez des jeunes femmes plus âgées, que sont formulées des inquiétudes concernant cette absence de règles et son retentissement potentiel sur leur fécondité future.
- Hyperactivité dissimulée à l’entourage, peut prendre diverses formes : trajets à pied, refus de prendre l’ascenseur, longues marches imposées sans but, se tenir sur une jambe, etc., jusqu’à la pratique intensive et continue d’une activité sportive en dépit de l’état de maigreur, activités, souvent solitaires, contraintes, s’exercent sans plaisir, de manière rigide et automatique. Difficultés à ressentir les coups de faim, les coups de fatigue.
- Déni ou à une non-perception de l’état de fatigue.
- Performances scolaires chez l’anorexique : recherche excessive de perfection, une quête anxieuse et toujours insatisfaite de résultats irréprochables, conduisant à des résultats bien meilleurs pour l’apprentissage que dans les domaines faisant appel à la créativité
- Troubles de l’humeur : colères, agressivité, haine, adoration, passivité, réactivité, tyrannie, manipulation, côté entier et excessif
- Les dents striées et l’attaque de l’émail par l’acidité du liquide gastrique qui est vomi, caries, déchaussement dentaire
- Des brûlures au bout des doigts qui servent à provoquer le vomissement au fond de la bouche
- Des brulures d’estomac
- Des ulcères de l’œsophage
- Le gonflement inflammatoire des glandes salivaires
- Un discours dévalorisant sur soi et une image négative de soi. Les distorsions de l’image corporelle, se focalisant autour de certaines parties du corps (cuisses, ventre, bras)
- Une difficulté à se remettre en question chez les anorexiques qui cherchent à se maitriser, à contrôler
- Le boulimique parlera plus facilement de son mal être tout en cachant sa conduite alimentaire (il se sent dans la honte, il vit cela en secret)
- Mise à distance des personnes, j’aime ou je n’aime pas, je te veux ou je ne te veux pas
- Le vomi a même une odeur, une saveur. La plupart du temps vomir se passe en cachette dans les toilettes ou lavabo, baignoire. Parfois même il est important de le conserver dans des bocaux et de ne pas le jeter. « Je vomis ma vie, je te vomis et je le conserve pour que cela se matérialise, c’est mon produit à moi dans ce bocal, ma substance ».
- Peu d’émotions, tout est banalisé avec froideur. Difficulté à éprouver de la joie, de la peine, du plaisir
- Rigidité des conduites de restriction ne tolérant aucun écart, culpabilité massive et anxiété en cas d’infraction aux règles fixées.
- Restriction volontaire du temps de sommeil et/ou à des troubles du sommeil et à une incapacité à s’accorder le moindre repos.
- Restriction progressive des investissements relationnels et extrascolaires conduisant à un rapprochement et à un agrippement aux parents, notamment à la mère, à un âge plutôt marqué en principe par l’autonomisation et la découverte du monde extérieur à la famille
- La sexualité fait souvent l’objet d’un refoulement massif, tant dans ses composantes physiologiques, comportementales que dans sa dimension de désir
- Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale
- Souvent alternance anorexie/boulimie : une personne anorexique très souvent deviendra boulimique ou boulimique vomisseur(se) et pendant longtemps elle aura des difficultés à maitriser son poids ou son comportement alimentaire. La surveillance sur la balance de son poids fera souvent partie de son quotidien.
Les origines
- Bug dans la maturation affective
- Problème d’identité
- Mal être profond
- Souffrance intérieure profonde, vide abyssale
- Difficultés à se sentir en vie
- Choc affectif, décès, deuil impossible, séparation, divorce, échec scolaire, rupture sentimentale
- Ne se sent pas exister : y pallier par le biais du corps en ayant le ressenti de maîtriser le poids ou la sensation de grossir et de maigrir
- Envie de grandir et peur de quitter l’enfance, besoin de prendre son indépendance, de s’affirmer et à la fois peur de la confrontation, désir de fusion avec l’autre et peur du contact
- Peur de ne pas y arriver, d’affronter la société, manque de confiance en la vie
Anorexie
L’anorexique peut se mettre au jeun complet, maîtriser la quantité du moindre aliment qu’il grignotera. Il devient dépendant de son comportement car cette conduite alimentaire le protège de sa peur de devenir boulimique, et son anorexie lui apparait indispensable à son équilibre psychique. Cela a du sens pour lui, cela peut devenir thérapeutique à ses yeux, cela lui apporte un relatif bien être, cela lui donne une identité, une possibilité de se différencier, un pouvoir sur les autres, il se sent puissant.
La personne se manipule elle-même, se ment à elle-même.
Il y a une sorte de sécrétion, comme un shoot d’opium dans le cerveau, une jouissance endogène que l’on peut générer soi-même, une jouissance biologique et une jouissance sociale, une coupure par rapport aux autres.
Rester dans la continuité du malheur plutôt que dans le bonheur qui serait facteur de changement, la rupture de cette souffrance est plus dangereuse que le changement.
La prévalence de l’anorexie chez les femmes est réelle, on la voit apparaitre dans la société par les publicités sur les femmes grandes et minces. Mais en réalité, souvent les anorexiques et les boulimiques n’ont pas conscience de leur corps, ils ne prêtent pas attention à leur image, ce qui compte c’est de se sentir exister, c’est contrôler, maitriser. S’agripper à son anorexie ou à sa boulimie permet une façade, comme un bouclier contre la peur.
L’anorexie mentale touche, dans huit cas sur dix, des jeunes filles ou des jeunes femmes et, dans deux cas, des jeunes garçons ou des hommes. Elle concerne de 2 % à 4 % des jeunes filles, en fonction de la définition des troubles utilisée, et son incidence aurait augmenté après 1945.
Clinique de l’anorexique
Le tableau clinique est très caractéristique. Il peut se constituer en 3 à 6 mois, après une période marquée par un désir de « suivre un régime » pour perdre quelques kilogrammes jugés superflus. À noter que dans quelques cas il existait une réelle et discrète sub-obésité infantile.
En général, ce désir initial est accepté par la famille, d’autant que parfois d’autres membres (la mère le plus souvent) entreprennent un régime identique.
L’événement déclenchant prend le plus souvent l’aspect d’une perte-séparation. La restriction alimentaire s’aggrave et le syndrome anorexique devient évident.
L'anorexie ne devient néanmoins pathologique que si les 3 symptômes suivants apparaissent
D’autres signes comme :
- Faciès émacié, anguleux, ridé, peau sèche, ongles cassants, membres squelettique, formes féminines effacées, scarifications, pâleur, fatigue, intolérance au froid, hypotension orthostatique, tension artérielle basse
- Troubles digestifs constants : constipation, diarrhée, ballonnements
- Arrêt ou retard de la croissance
- Fractures osseuses, ostéoporose
Le risque de suicide arrive plus tard, souvent à la sortie de l’anorexie ou de la boulimie s’il n’y a pas un travail thérapeutique fait en profondeur. Le mal être relativement maitrisé avec les troubles du comportement alimentaire, refait surface avec un état dépressif et des troubles anxieux.
Un événement déclenchant peut être incriminé : conflit ou séparation familiale, deuil, naissance, divorce, échec scolaire, rupture sentimentale, etc.
Questionnaire de dépistage
Plusieurs questionnaires dédiés aux troubles alimentaires sont disponibles pour les médecins. En 1999, en Angleterre, J. Morgan et al. ont créé une échelle composée de 5 questions, appelée SCOFF (Sick, Control, One, Fat, Food). L’objectif des auteurs était de développer un outil fiable, simple et rapide, permettant de repérer les sujets à risque ou atteints de TCA, pour le dépistage et l’utilisation épidémiologique.
Le SCOFF constitue un instrument utilisable dans le cours de l’entretien médical. Il est constitué de cinq question et dès lors que la personne répond oui à deux questions ou plus, il y a possibilité d’anorexie ou de boulimie.
Ces questions sont :
- Vous faites-vous vomir parce que vous vous sentez mal d’avoir trop mangé ?
- Vous inquiétez-vous d’avoir perdu le contrôle de ce que vous mangez ?
- Avez-vous récemment perdu plus de 6 kilos en 3 mois ?
- Pensez-vous que vous êtes gros(se) alors que les autres vous trouvent trop mince ?
- Diriez-vous que la nourriture domine votre vie ?
L’anorexie mentale masculine
Elle est beaucoup plus rare que chez la fille, l’anorexie mentale peut concerner les garçons dans une proportion qui oscille entre 3 et 20 % des cas selon les auteurs.
Le comportement anorexique du garçon s’installe :
- soit au sein d’une organisation psychopathologique plus définie telle qu’une psychose, marquée alors par un investissement délirant de la nourriture ou de l’incorporation, ou bien une schizophrénie (près d’un tiers des cas) ;
- soit dans la prolongation d’une anorexie de la petite enfance.
La crainte de l’obésité (en partie sous-tendue par des antécédents infantiles) paraît au second plan derrière l’importance de l’angoisse et des manifestations hypocondriaques retrouvées plus souvent que chez la fille.
Notons enfin des fragilités narcissiques importantes chez ces adolescents.
Traitement
- L’hospitalisation pour arrêter la chute pondérale, interrompre l’aggravation des comportements familiaux et permettre une séparation. On peut faire la comparaison entre séparer un toxicomane de son dealer, ici, il faut séparer le symptôme (la famille), le symptôme disparait et apparaitra alors la dépression sous-jacente
- Un accompagnement psychologique
- Traiter un état dépressif secondaire
- Faire un contrat d’hospitalisation et de séparation incluant un poids de sortie (Parfois des paliers de poids sont définis pour la reprise successive des contacts familiaux épistolaires ou téléphoniques, des visites et des sorties d’essai)
- Ne pas être compatissant sur leur sort, ils n’aiment pas cela, mieux vaut être dure avec eux
- Médicaments : souvent antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères
- Accompagner les parents par une aide thérapeutique parfois une thérapie familiale peut être envisagée
Boulimie
Il convient de distinguer boulimie et obésité :
- Le boulimique grossit par tout ce qu'il mange, bien qu'il aimerait manger sans grossir. C'est un maniaque du miroir. Il est actif par rapport à la nourriture
- L'obèse est gros même en mangeant peu. Il se plait ainsi. C'est un passif par rapport à la nourriture car l'important pour lui est avant tout d'être gros.
La boulimie est maintenant acceptée comme faisant partie des conduites de dépendance, elle peut être en lien avec l’alcoolisme et la toxicomanie.
Une crise de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes
- Absorption, en une période de temps limitée (par exemple moins de deux heures), d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances similaires
- Sentiment de perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par exemple sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange, ou la quantité que l’on mange)
La crainte chez ces sujets de devenir gros avec une difficulté consciemment ressentie dans le vécu de l’image du corps. Le rapport négatif à son corps et à l’image de son corps semble un élément important du pronostic, en particulier chez les garçons.
Comportements compensatoires inappropriés et récurrents, visant à prévenir la prise de poids, tels que : vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements ou autres médicaments, jeûne, exercice physique excessif .
La boulimie est dite pathologique selon le DSM-III-R puis IV lorsque les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés sont récurrents et surviennent tous deux en moyenne au moins deux fois par semaine pendant trois mois.
L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle.
D’autres conduites addictives sont souvent présentes : automédication paranxiolytique ou somnifère (50 % de la population selon Aimez), alcoolisme régulier ou prise massive d’alcool, pharmacodépendance (aux anorexigènes ou amphétamines). Pour certains auteurs, la boulimie trouve sa place dans les multiples conduites addictives décrites chez l’adolescent et s’inscrit dans une pathologie de la dépendance, véritable « toxicomanie alimentaire ».
En cas d’association entre boulimie et conduites addictives, il conviendra d’envisager la possibilité d’un trouble bipolaire sous-jacent.
Certains symptômes dépressifs sont exprimés par une majorité de patients boulimiques (dévalorisation, culpabilité, désespoir). La dévalorisation de l’image du corps est très fréquente avec le désir de changer de poids (chez les filles c’est toujours le désir de maigrir, chez les garçons c’est parfois le désir de grossir).
Traitement :
- L’hospitalisation peut permettre d’interrompre l’escalade des crises pouvant tendre vers un véritable « état de mal boulimique » et d’entreprendre une « rééducation » par un programme diététique adapté. Mais la récidive est habituelle après l’hospitalisation. On n’y recourt que dans les formes extrêmes.
- La prescription de psychotropes, essentiellement des antidépresseurs.
- Un travail rééducatif au niveau diététique
- Une thérapie comportementale, une thérapie d’inspiration analytique ou psychanalyse classique, la thérapie de groupe, psychodrame, groupe de parole :
On note souvent une difficulté à établir une relation stable avec les patients boulimiques, marquée par une distance souvent au départ, il faudra du temps pour déployer une relation thérapeutique satisfaisante. A la fuite ou à la rupture au départ peut se succéder des phases d’investissement intense, de transfert, de mise en lien qui permettront d’avancer.
ne plus se dénigrer, initier une nouvelle image de l’anorexique ou du boulimique, rassurer et leur faire prendre conscience qu’il y a une distorsion de la perception qu’ils ont d’eux-mêmes. Faire le deuil du poids idéal.
la plupart évoquent une sensation de vide, comme un « puits sans fond ». Les aider à s’appuyer sur des choses concrètes de leur vie, en mobilisant leurs ressources, renforcer le lien avec le thérapeute qui peut permettre d’être une corde de rappel et de soutien pour visiter ce vide en eux, ne pas en avoir peur. Dans le vide il y a possibilité de création et de richesse.
les émotions sont anesthésiées ainsi que la souffrance. Il est donc nécessaire de leur faire ressentir à nouveau, au lieu de rester dans le verbal et dans la tête, donner la possibilité de sentir dans le corps. La peur d’être débordées par les émotions est fréquente car les sentiments de rage et d’avidité qui l’accompagnent sont extrêmement difficiles à vivre.
donne la possibilité à chacun de s’exprimer et de reconnaitre la similitude des situations, d’entendre l’autre en parler diminue la honte, la peur du jugement. Le groupe rend moins dangereuse la relation.